"PATRIMOINE DE PIERRE"

La ville de LESNEVEN autrefois fortifiée n'a hélas pas gardée d'éléments d'architecture de son passé médiéval. On peut cependant se donner une idée en recoupant les écrits et des plans plus récent comme les cartes de Cassini du XVIIIè siècle ou bien le plan dessiné vers 1782.

Les quelques éléments qui suivent peuvent éveiller votre curiosité.


EXTRAIT DE:

PROSPECTION THEMATIQUE
LES FORTIFICATIONS MEDIEVALES
DU FINISTERE
PATRICK KERNEVEZ
AUTORISATION DU 17.05.1994
RAPPORT 1994 AU
SERVICE REGIONAL DE L'ARCHEOLOGIE
LESNEVEN


château et bourg
Lesneven, ancienne "capitale" administrative et judiciaire de la
baillie de Léon, occupe une position centrale au coeur de ce plateau.
Aucune particularité topographique ne semble avoir déterminé le choix
de ce site pour l'établissement d'une forteresse. Par contre, Lesneven
bénéficia partiellement de la convergence de plusieurs voies antiques
qui menaient notamment à la cité gallo-romaine disparue de Vorganium-Kérilien à 7 km à l'est.
L'histoire de Lesneven a été étudiée par D.L. Miorcec de Kerdanet en
1825 et plus récemment, par H. Calvez en 1947 et J.Y. Le Goff en
1992. J.P. Leguay s'est intéressé à l'histoire de la ville médiévale
et nous-même à celle du château.
HISTORIQUE: Le toponyme Lesneven est formé de "Les" qui signifie en
vieux breton le "château", la "cour" d'époque carolingienne, associé à
un nom d'homme, Neven, un chef ou un saint breton. L'auteur de la
"Vie" de saint Goulven, écrite au XI Ile siècle, affirmait quant à lui
, de manière erronée, qu'il s'agissait de la cour d'Even, un comte de
Léon qui chassa les Normands au Xe siècle (relaté par A. Le Grand, p.
279). Ce retranchement devint le chef-lieu d'une des châtellenies des
vicomtes de Léon aux Xle et XI le siècles. Ces derniers furent soumis
par les Plantagenêts après plusieurs révoltes au cours desquelles tous
leurs châteaux furent détruits entre 1167 et 1180. En 1216, Pierre
Mauclerc, baillistre du duché de Bretagne, occupa les terres de Conan
de Léon et intégra , sans doute dès lors, la "ville de Lisnevein" au
domaine ducal. Elle devint le siège de la baillie de Léon. Entre 1342
et 1381, lors de la guerre de Succession de Bretagne et des combats
qui s'en suivirent, la ville changea plusieurs fois de main. Lesneven
ne se différenciait guère alors des chefs-lieux des paroisses rurales
voisines (J.P. Leguay, p. 147). Cette "grosse bourgade" comportait peu
de véritables rues, mais un grand nombre de chemins, de champs et de
jardins. De fait, elle ne s'en distinguait guère que par la présence
d'un vaste château qui, avec ses douves, occupait près du tiers de la
superficie totale de la cité.
CHATEAU: En dépit de sa taille, le château n'apparaît pas dans les
actes avant le milieu du XlVe siècle. En 1375, Bertrand du Guesclin y
rétablit une ancienne coutume astreignant les "mottiers" (les serfs)
qui quittaient leur tenure à résider durant un an et un jour dans la
ville afin d'en renforcer la garnison. Après quelques travaux au début
du XVe siècle, la place paraît être délaissée dès le milieu de ce
siècle: ' en 1455 et 1486, des commissaires ducaux accensent des
terrains situés à proximité et à l'intérieur de la vieille "closture
du chastel". Des capitaines ligueurs se retranchèrent dans le château
vers 1590-1594, mais dès 1628 les murailles étaient exploitées comme
carrière de pierre.
C'était un quadrilatère irrégulier de plus de 600 m de pourtour bordé
de larges douves. A la fin du XVIIIe siècle, il n'en subsistait plus
qu'une tour dans l'angle sud-est; on dégagea alors les vestiges d'une
salle polygonale voûtée à l'emplacement de la prison. Le château
abritait une chapelle dédiée à saint Yves (XVe siècle, détruite au
XIXe siècle), la prison ainsi que l'auditoire de la baillie et une
place où se déroulaient les montres de la noblesse du Léon. Dès la fin
du Moyen Age, des maisons s'élevaient dans le "chastel" désigné comme
"ville close" dans un acte de 1541 alors qu'il est question de
" faulxbourgs " pour les autres quartiers urbains dans un document de 1455 (ADLA, B 1690 et 1727).


BOURG ET EDIFICES RELIGIEUX ET PUBLICS: Au début du XVe siècle, la
cité abritait sept à huit cents âmes. Hormis son caractère très rural
et la convergence des voies de communication, le parcellaire urbain
est remarquable: la ville s'inscrit en effet dans une ellipse de 520 m
de longueur sur 250 à 300 m de largeur. Le château en occupe tout le
tiers nord-est alors que le caractère agraire de la cité est
particulièrement marqué au sud. Au début du XI Ile siècle, la ville
comptait deux églises: l'une, priorale, était dédiée à Notre-Dame, la
seconde, Saint-Michel, était celle de la petite paroisse de Lesneven
(moins de 400 ha), sans doute établie aux dépens d'une paroisse
bretonne primitive, un "plou" . En 1216, Pierre Mauclerc concéda les
deux églises, la chapellenie de Notre-Dame et le droit de fournage de
Lesneven à l'abbaye de Saint-Sulpice près de Rennes (cartulaire, p 10-
12). L'église Notre-Dame fut démolie vers 1774: on en conserve
quelques chapiteaux de style roman. L'église Saint-Michel fut détruite
et rebâtie en 1753-1762. Les équipements économiques consistaient en
un unique four banal et une vaste cohue reconstruite en 1659 et
abattue en 1893. Elle se dressait devant l'entrée principale du
château, sur la Place des Halles au sud de la Place au Bled, carrefour
routier et coeur économique de la cité qui, outre son marché
hebdomadaire, organisait neuf foires annuelles dès le bas Moyen Age.


EVOLUTION: Le secteur nord-ouest de la ville mérite une attention
particulière: on remarque, en effet, que l'église Notre-Dame est
excentrée par rapport au coeur de la cité. Or les lieux de culte
placés sous ce vocable sont fréquemment des chapelles castrales. On
peut donc imaginer qu'une forteresse primitive ait pu se dresser dans
ce secteur de la cité qui est aussi le plus élevé des environs. Cette
hypothèse paraît corroborée par l'examen du parcellaire où l'on
distingue une aire ovalaire de 130 m sur 90 m (dessinant même une
forme circulaire dans sa partie sud-est) et par la toponymie: Rue du
Cleuziou ("cleuziou": fossés; mais la mention est incertaine) et "Parc
al Lez" (le champ de la cour). Il pourrait s'agir d'une motte à basse-
cour ou plutôt d'une enceinte au sein de laquelle fut établi un
oratoire. L'église Saint-Michel aurait ensuite supplanté la chapelle
castrale avant que ne soit érigée une vaste enceinte de pierre dans
l'angle nord-est de la structure ellipsoïdale qui correspondrait à un
talus de terre datant du haut Moyen Age. La ville n'a pas été close de murs au bas Moyen Age .


SYNTHESE: La carence des sources archivistiques et l'absence de
fouilles archéologiques ne permettent, pour l'instant, que d'émettre
des suppositions. La forteresse établie, vers le Xe ou le Xle siècle,
par les vicomtes de Léon ou leurs ancêtres fut à l'origine de la
création d'un bourg et d'une paroisse. Les ducs s'emparèrent de la
ville au début du XlIIe siècle: ils auraient alors remplacé l'antique
château par une enceinte de pierre quadrangulaire afin de s'assurer du
contrôle du centre du Léon. Le château, qui joua un rôle important aux
XlIIe et XlVe siècles, fut délaissé au XVe siècle mais la ville se
développa grâce à ses fonctions judiciaire, fiscale et commerciale
sous l'Ancien Régime. Augmentée territorialement , elle devint chef-
lieu de canton lors de la Révolution et conserve son rôle de carrefour
routier et de place commerciale au sein d'une riche région agricole.

 

CARTE DE CASSINI XVIIIè siècle

Les remparts apparaissent sur le contour de la ville

Plan lesneven

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